DUNE

(2021). Space opéra écrit en 1965 par Frank Herbert, nous suivons le jeune Paul Atreides, doué et brillant, voué à connaître un destin hors du commun qui le dépasse totalement. Lorsque l’empereur intergalactique impose à la maison Harkonnen de quitter Arrakis, la seule planète à même de fournir la ressource la plus précieuse au monde, capable de décupler la puissance de l’humanité, la maison Atreides se voit assigner son exploitation.  Une gigantesque lutte pour le pouvoir commence autour de celle-ci, aboutissant à une guerre interstellaire.

Très motivé pour faire cette critique à la sortie de salle tellement j’ai été déçu, j’avoue que le vide du film, sitôt vu, sitôt oublié, a tué cette envie. Mais bon, je m’y suis engagé, alors c’est parti. Réputé difficile (pour ne pas dire impossible) à adapter au cinéma, le roman Dune a vu plusieurs tentatives plus ou moins, plutôt moins, réussies. Mais celle de Denis Villeneuve est un échec, bien que je doive relever quelques bons points avant d’argumenter sur les mauvais. Tout d’abord la photographie est magnifique et la cinématographie est très propre et pro. Les 165 millions de dollars de budget crèvent littéralement l’écran. Pour ceux qui ne connaissent pas le livre, la narration est plutôt réussie, même si elle est bien trop explicative sur certains aspects et complètement oubliée sur d’autres. Mais si on pose pour la première fois un pied dans le monde de Dune, on n’est pas complètement perdu (juste un peu), alors que la complexité du livre impose un glossaire de plusieurs dizaines de pages pour que le lecteur s’y retrouve.

Le casting est assez convaincant, pour ce que le réalisateur a voulu en faire. Sans que Timothée Chalamet soit exceptionnel, son physique de jouvenceau lui permet d’incarner Paul Atreides, censé avoir 15 ans. Mais dans chaque plan, il suggère le poids de son héritage et de son devenir, sans jamais laisser un doute au spectateur. Les autres font le boulot qui leur a été assigné, et c’est justement un des soucis qui m’a dérangé. Excepté Jason Momoa, aucun des personnages ne déclenche d’émotions, ou n’est attachant. À mesure de l’avancée du film, je me faisais la réflexion que n’importe lequel des personnages pouvaient mourir (si je ne connaissais pas l’histoire), que je n’en aurais rien à faire. Et j’ai eu le temps d’avoir cette pensée devant la lenteur de cette production et l’ennui qu’elle a suscité. Je suis un grand fan de Rebecca Fergusson, récemment dans Reminiscence, ou même dans le très moyen Docteur Sleep, elle tire toujours son épingle du jeu. Pas cette fois. Elle passe son temps à pleurer la moitié de ses scènes (vraiment !)… Je ne peux pas reprocher à Denis Villeneuve d’avoir une vision complète d’une possible franchise, mais cela a tant influencé ses choix de mise en avant des personnages que le sens du récit en a été tronqué. J’ai eu l’impression d’assister à une longue bande annonce de l’univers de Dune.

En effet, certains personnages relativement important dans ce premier livre (ou demi livre pour l’adaptation en l’état) sont éludés avec une rapidité surprenante, certainement parce qu’ils ne seront plus là dans la suite. Alors pourquoi s’embarrasser de leur présence ou d’expliquer en profondeur qui ils sont. De manière générale, excepté Paul et Jessica, la plupart n’ont que quelques minutes à l’écran et quelques phrases à déclamer, alors que nous parlons de 2h35 de film. D’autres passent à la trappe, quid de Feyd Rautha, aussi important, si ce n’est plus que Rabban. Les mentats ne sont pas exploités non plus à leur juste valeur, alors qu’ils sont d’une importance bien plus centrale, et par extension, on oublie la bible orange. Piter de Vir n’est même pas nommé, et meurt dans l’indifférence du spectateur qui ne sait finalement pas qui il est. Ce qui rejoint mon sentiment du manque d’émotion ou d’attachement pour n’importe quel personnage. Même le Duc, un homme si bon, n’a pas la dimension que son caractère mérite. Alors je ne parle pas de l’Empereur, de la guilde des marchands, etc. Et tant que j’y suis pour les personnages, on a rarement fait plus médiocre en terme d’écriture de ceux-ci : aucune nuance n’est apportée. les Harkonnen ne sont que des caricatures de gros méchants prêt à vous manger tout cru, tout dans leur physique le suggère au cas où le spectateur est trop bête pour ne pas avoir compris qu’ils sont les vilains de l’histoire, et les Atreides sont les gentils sur tous les points, et vont fatalement s’allier aux autres gentils, les Fremen, mais qui vivent sur place.

Le cas du Dr Liet Kynes. Je ne vois aucun « puriste » s’insurger, alors que beaucoup encense à quel point le film suit le livre (mouais… on en parle de la maladie du baron ?). La description de Kynes dans le livre correspond exactement au physique de Max von Sydow qui l’incarnait dans la version de David Lynch en 1984. D’homme blanc d’âge mûr, il passe à femme noire bien plus jeune. Je ne suis pas contre ce genre de changement, lorsqu’il est justifié. Mais le scénariste Jon Spaihts a défendu ce choix en expliquant qu’il manquait de femmes fortes dans le roman. A-t-il lu le même que moi ? l’ordre du Bene Gesserit n’est-il pas un groupement d’individus de sexe féminin qui exerce une influence politique et religieuse au travers des siècles dans la société de l’Imperium, puis dans les siècles suivants, pour mener l’humanité vers des buts qui lui sont propres ?  J’y vois là une tentative de coller à l’air du temps, mais comme Kynes n’est pas plus développé que les autres personnages, cela reste anecdotique.

Les décors sont gigantesques, que cela soit sur Caladan, Geidi Prime ou bien sûr Arrakis. Mais vide et froid, même dans la chaleur de Dune. Tout est rempli de vide (j’aime cette formule ^^), tout est outrageusement dépouillé. Peut-être que le budget figurants n’étaient pas pris en compte dans les 165 M. Prenons l’exemple d’Arrakeen. Que ce soit la chambre de Leto et Jessica, gigantesque et ayant pour unique meuble : un lit ! ou lorsque Leto s’habille, et que Jessica vient le trouver, d’où sortent les vêtements puisque la pièce est vide ? les couloirs (lorsque Jessica court en y pleurant) sont également vides, pas de décoration, rien, pas un garde, rien. Même chose avec la scène de la révérende mère Gaius Helen Mohiam : une gigantesque pièce et une chaise au milieu (quelques bibliothèques autour).  Peut-être que Villeneuve a voulu accentuer l’immensité du désert aux intérieurs, mais je trouve que cela tue complètement l’immersion, effet inverse de ce qu’il a voulu faire, et accentue l’ennui que j’ai ressenti pendant la séance.

D’ailleurs, un autre défaut récurrent du film est qu’il ne se passe pratiquement rien. À la fin, je me suis dit « tout ça pour ça ? toute cette hype, toute cette promo pour cet ennui ? ». Il n’y a aucun rythme et on attend la grande scène qui ne vient jamais. On est bombardé en permanence de flashbacks et flashforwards bien trop cryptiques pour que cela ait un sens pour ceux qui ne connaissent pas le livre. Et il y a un réel problème dans le storytelling : par exemple, à la fin du film on en sait plus sur le fonctionnement des distilles ou des boucliers personnels que sur l’utilisation de l’épice ou la raison pour laquelle l’empereur a envoyé les Atreides remplacer les Harkonnen sur Arrakis. N’y a-t’il pas un souci là ?  On remarquera aussi le manque d’aboutissements dramatiques dans le narratif des personnages ou des situations, la frustration est presque aussi grande que lors de la dernière image, qui laisse un gout amer d’acte manqué. Je vais terminer par la musique. J’entends ici et là que Hans Zimmer a délivré une masterpiece ! non. Il n’y a aucun thème à retenir et l’accompagnement musical de ce film relève plus de sons d’ambiances propre aux films de SF que de musique, sans parler des chants agaçants et bien trop présents. Et pourtant, j’adore tant Hans Zimmer que je suis même allé le voir en concert. Mais là…

Bref, je ne vais pas insister, même si j’ai encore beaucoup à dire. J’ai aimé quelques trucs comme les ornithoptères, vraiment bien rendu et détesté tout le reste. Autant les vers des sables de Lynch avaient de la gueule, autant là, ils ressemblent juste à un anus géant ! Qui oserait me contredire sur ce point ? Alors oui, l’élégance du film est incontestable, les acteurs sont bien castés, mais le résultat est d’un décevant qui flirte avec l’escroquerie. Une promesse non-tenue. Mais était-elle tenable ? Quand je pense que j’ai lu que Villeneuve a réussi autant son adaptation que Peter Jackson pour le Seigneur des Anneaux, j’ai failli m’étouffer. Je ne comprends pas cet engouement autour de ce film plat et aseptisé, et je sais que mon avis est minoritaire (et bien évidemment impopulaire).  Alors n’hésitez pas à me contredire dans les commentaires, mais restez poli et courtois, on a tous le droit à un avis différent, aucune production artistique ne fait l’unanimité. Je donne 10/20 pour être gentil pour l’effort visuel.

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